Au Portugal

bûchers-expulsion d'espagne

Par Didier Nebot

Dans les convois certains faisaient l’inventaire de ce qu’ils avaient pu sauver. Les plus éprouvés s’étaient regroupés. Ils parlaient peu, évoquaient le passé, imploraient le Seigneur. Près d’eux se trouvaient les charrettes des malades et des blessés, dont le voyage avait bien souvent aggravé l’état.

La plupart des immigrants ne connaissaient pas le Portugal. Comment seraient-ils accueillis ? On leur avait dit que les Portugais étaient paisibles, qu’il ne leur serait fait aucun mal. Mais toutes les épreuves subies les avaient rendus méfiants.

Bientôt le premier village apparut. Les femmes serrèrent leurs enfants contre elles, les suppliant de ne pas faire de bruit, les hommes avancèrent la tête basse, dans l’espoir de passer inaperçus… L’accueil fut loin d’être hostile. Les exilés alors se détendirent. Ce qu’on leur avait dit était vrai : ce peuple n’était ni méprisant ni agressif.

Quelques jours plus tard, alors qu’ils n’étaient qu’à quelques lieues de Lisbonne, une quinzaine de coreligionnaires vinrent à leur rencontre : « Vous êtes au moins le dixième convoi à arriver ici. Il y en a eu aussi sur Braga, Porto, Coimbra, Leiria et même Faro. Nous sommes éparpillés dans tout le pays. Nous sommes là pour vous guider. Les autorités ont accepté que vous vous installiez à l’ouest de la ville. Nous sommes très nombreux et le quartier juif trop petit pour tous nous accueillir. Nos frères portugais sont remarquables, leurs femmes et leurs filles très dévouées, elles ont apporté un grand réconfort à nos malades et à nos enfants. »

Les premiers jours se passèrent bien. Le temps était beau et les réserves de nourriture encore suffisantes. Les chariots servirent d’infirmerie et de dortoirs aux enfants et aux vieillards. Les autres trouvèrent des abris de fortune : ici quelques planches de bois entre deux arbres, là de la mousse, ailleurs une couverture tendue par des piquets. La plupart auraient aimé trouver rapidement du travail, même pour une bouchée de pain, mais il n’y en avait pas.

Mais le Portugal était trop petit pour absorber autant de monde ; le roi Joao II n’autorisa les immigrés à séjourner que huit mois sur son territoire. Il établit de plus un droit d’entrée qui s’élevait à huit cruzados par personne. Ce fut l’étonnement et la consternation parmi les proscrits qui s’attendaient à rester définitivement dans ce pays. La plupart ne prêtèrent aucune attention à cette date limite, persuadés que leur détresse finirait par émouvoir le roi et qu’il reviendrait sur sa décision.

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