Par Didier Nebot
Avec la conquête arabe tout change, tout bascule. Le monde africain colonisé jusque-là par l’Occident, qu’il soit romain ou byzantin, devient oriental. Même si le peuple ne change pas, les occupants nouveaux apportent avec eux une philosophie nouvelle. Plus de textes latins, grecs ou hébreux pour décrire ce qui se passe, mais des textes arabes. Il semble y avoir une discontinuité entre le monde d’avant et le monde d’après. Les mots, les pensées, les attitudes ne sont plus les mêmes, à croire que tous les anciens habitants ont disparu pour laisser la place à d’autres, différents et dont le passé se trouve ailleurs. C’est faux, bien sûr. Si les Arabes n’utilisent pas les mêmes termes, s’ils extrapolent sur les origines des tribus locales en fonction de considérations personnelles qui les arrangent, il n’est pas discutable qu’il s’agit toujours des mêmes peuplades juives et berbères. Ainsi lorsque l’Islam sépare les populations d’Afrique entre Botr ou Zenata et Bérénes, il est facile de retrouver les tribus nomades judéo-berbères ou païennes du monde d’avant, hors des limes romains, et les tribus sédentaires latinisées des villes et des campagnes environnantes. Il n’y a aucun hiatus entre ce que disent les auteurs latins ou byzantins et ce que disent les auteurs arabes, simplement les mots ne sont plus les mêmes.
C’est pourtant malheureusement ce qu’on fait un certain nombre d’historiens, à croire qu’ils auraient étudié séparément l’Afrique du Nord pré et post islamique. Ils ont de ce fait une vue biaisée des évènements, car trop influencés par les auteurs arabes qui, volontairement ou non, ignorent souvent le passé lointain de cette région. C’est ainsi que pour l’opinion publique du XXIème siècle le Maghreb a toujours été arabe. Erreur ! Ceux qui se disent aujourd’hui arabes sont pour beaucoup d’entre eux d’anciens berbères. Il ne faut pas oublier, comme nous le verrons plus loin, que les populations venant d’Arabie ne représentèrent pas plus de 100000 personnes. Mais par commodité et par raison la plupart des berbères des villes et ceux vivant dans des zones où l’échange avec l’Orient était facile décidèrent de se prétendre arabe. Ils ont volontairement minimisé le rôle de leurs ancêtres berbères pour, progressivement, se reconnaitre d’autres ascendances typiquement arabes. Ibn Khaldoun en est l’exemple le plus flagrant.