Par Didier Nebot
Ainsi se termine en Afrique du Nord la période du judaïsme fort et puissant, même si c’était au travers de tribus mixtes judéo-berbères, plus jamais il ne sera en mesure de rivaliser avec l’Islam. Quand, plus tard, les Hillaliens et les Soleimiens arrivèrent d’Égypte, ils ne représentaient pas plus de 100 000 personnes avec femmes et enfants. Ils mirent à mal le pays et il se produisit un phénomène incroyable : plusieurs millions d’habitants, tous berbères, anciens païens, chrétiens, phéniciens ou juifs, adoptèrent les us et coutumes de leurs envahisseurs, au point d’en oublier leurs origines et de se déclarer arabes. Ils oublièrent l’hébreu ancien, le punique ou le berbère pour ne plus parler que la langue de l’islam. Seules quelques zones résistèrent à cette perte d’identité. Situées dans les massifs montagneux algériens ou marocains pour l’essentiel, ou dans des régions excentrées, elles représentent le monde berbère d’aujourd’hui.
Dans son encyclopédie sur les Berbères, G. Camps, grand spécialiste des berbères, confirme ces dires : « C’est une étrange et, à vrai dire, assez merveilleuse histoire que cette transformation ethno-sociologique d’une population de plusieurs millions de Berbères par quelques dizaines de milliers de Bédouins. On ne saurait en effet exagérer l’importance numérique des Beni Hilal, quel que soit le nombre de ceux qui se croient leurs descendants. Au moment de leur apparition en Ifriqia et au Maghreb, ils étaient tout au plus quelques dizaines de milliers. Les apports successifs des Beni Soleim, puis des Mâlqil, qui s’établirent dans le Sahara marocain, ne portèrent pas à plus de cent mille les individus de sang arabe qui pénétrèrent en Afrique du Nord au xie siècle. »
Ainsi peut-on résumer l’histoire de l’Afrique du Nord depuis le premier millénaire avant notre ère jusqu’aux premiers siècles de la conquête musulmane. Peuple étrange, mélange de Libyens, Phéniciens, juifs et Arabes, jaloux de sa liberté au point de se replier sur lui-même.
L’apport des juifs aux Berbères est numériquement minoritaire, mais ils ont constitué, par leur religion, une référence et ils ont contribué à l’effacement du paganisme, facilitant en soi l’avènement de l’islam. Certes, le judaïsme ne disparut pas totalement, des communautés juives éparses perdurèrent, tant sur le plan économique que religieux, avant de prendre un nouvel essor avec l’arrivée des juifs d’Espagne à partir du xive siècle.
Aujourd’hui le monde berbère s’étend de l’océan atlantique à l’Oasis de Siwa en Egypte, de la mer Méditerranée au fleuve Niger. Il y aurait entre 28 et 38 millions de berbères dans le monde. De même que la France s’appelait autrefois la Gaule, les berbères qui se nomment aujourd’hui Amazighs, s’appelaient Libyens, Numides, Maures ou Gétules. Ces termes ont aujourd’hui disparu, la majeure partie des Berbères vit en Afrique du Nord. On les trouve essentiellement en Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Niger, Mali, Mauritanie, Egypte. Les Chaouis, les Kabyles, les Touaregs, les Mozabites, les Rifains, les Chleuhs, les Zayanes sont des berbères. La grande majorité de la population d’Afrique du Nord est d’origine berbère, bien qu’en raison de l’arabisation, la majorité de la population du Maghreb s’identifie comme arabe.
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Le lecteur pourra se référer en outre à certains passages d’auteurs anciens : Appien, Corippus, Dion Cassius, Eusèbe, Hérodote, Procope, saint Augustin, Salluste, Strabon, Tacite, Tertullien.