Le 2 janvier 1492, Muley Boabdil

MI13

Par Didier Nebot

Le 2 janvir 1492, Muley Boabdil remit les clés de l’Alhambra à Ferdinand et Isabelle. Les drapeaux de Castille et d’Aragon flottaient sur la ville. L’Espagne musulmane avait vécu.

Dans toutes les villes de la péninsule les cloches sonnèrent. Par des fêtes spontanées ou grandioses, du nord au sud, de l’est à l’ouest, on célébra le pays repris aux musulmans après sept cent soixante-dix-sept années d’occupation. Isabelle et Ferdinand d’Aragon avaient été les monarques de l’honneur retrouvé. A présent, l’Espagne était épurée.

L’Alhambra ! Qui n’avait pas entendu parler de ce palais à la stupéfiante beauté, chanté par les troubadours, décrit par les conteurs, peint par les artistes…Ferdinand fit de son entrée dans le palais un symbole de sa victoire. La neige éclatait de sa blancheur sur les sommets de la sierra Névada, le cortège royal passa sous la monumentale porte après avoir grimpé la colline. Les somptueuses allées aux mille fleurs, les fontaines aux bruissements d’eau pure, les bassins calmes où se reflétait la douceur de vivre, menaient à « la rouge », nom arabe du somptueux palais.

Ferdinand avait pris possession des lieux, la reine l’y avait rejoint, ils visitèrent chaque salle avec ravissement. Là de précieux azulejos, ici des niches sculptées avec une précision enivrante, plus loin une chambre dorée au plafond ouvragé…On découvrit la salle octogonale des Murmures, où il suffisait de chuchoter quelques mots contre un mur pour qu’un complice, à l’autre extrémité de la pièce, les entende parfaitement. La magie architecturale arabe enchanta tant Ferdinand et Isabelle qu’ils interdirent qu’on touche à une pierre de l’édifice. Qu’on détruise tous les témoignages de l’Espagne musulmane, mais qu’on garde intact ce chef-d’œuvre.

Ferdinand donna une conférence dans la magnifique salle des Ambassadeurs, là même où il avait reçu les clés de la ville. Il avait convoqué les plus hauts dignitaires du royaume pour débattre de l’avenir de l’Espagne. Chacun y alla de sa petite phrase assassine :

« Devons-nous, pouvons-nous vraiment respecter la liberté du culte chez ces musulmans que nous venons de vaincre ? Ce serait une insulte à notre pays, à ses rois ! »

«  Peut-être, mais nous avons passé un accord avec Boabdil et ne pas tenir nos engagements risquerait de nous mettre à dos tout le monde musulman. »

«  Mais les juifs, alors ! Aucun empire juif n’est susceptible de nous demander des comptes. Nous ne pouvons plus les tolérer. L’Espagne ne peut rester grande que sous la foi catholique. Chassons-les. »

«  Leur richesse est une insulte ! »

«  Leur synagogues un défi permanent à notre sainte mère l’Eglise ! »

«  Nous avons délivré le pays des hérétiques. Occupons-nous d’eux, à présent ! »

«  J’approuve vos propos, répondit Ferdinand. Mais n’oubliez qu’Isabelle leur a promis la liberté de culte et que, surtout, les juifs contrôlent une bonne partie de l’économie. Pouvons-nous vraiment nous passer d’eux ? »

«  Qu’ils se convertissent, sinon nous les remplacerons ! »

Une voix s’éleva dans l’assistance :

«  Pourquoi cette sévérité ? Doit-on oublier leur dévouement, l’aide qu’ils nous ont apportée dans notre combat contre les Maures ? »

Torquemada, le grand inquisiteur, alors présent coupa l’importun :

«  Ils n’ont agi que par appât du gain. Les actes de bravoure de quelques-uns ne donnent pas l’absolution à tous les autres. Ils n’ont de choix qu’entre l’exil et la conversion. »

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