Paul Salmona: «L’histoire des Juifs est un impensé du récit national»

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ENTRETIEN – L’archéologie renseigne sur la présence juive en Europe, de l’Antiquité au XXe siècle, et rappelle que celle-ci est inscrite de très longue date dans l’histoire des pays européens.

Paul Salmona dirige le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris. Il publie avec Philippe Blanchard, archéologue à l’Inrap, et Amélie Sagasser, chercheuse à l’Institut historique allemand à Paris, Archéologie du judaïsme en Europe, aux Éditions du CNRS.

LE FIGARO. – Écrire sur l’archéologie du judaïsme en Europe, est-ce écrire sur l’histoire de l’antisémitisme en Europe?

Paul SALMONA. – Notre ouvrage porte sur la présence des Juifs en Europe et non sur leur
persécution, et l’archéologie nous montre que cette présence est très ancienne. À Ostie, dans le Latium, on a découvert en 2006 une inscription qui permet de connaître le nom de l’évergète – le mécène –
de la synagogue antique au Ier siècle de notre ère. En France, la première sépulture juive connue date du IIIe siècle. C’est un sarcophage mis au jour à Arles en 2009, portant l’inscription «Pompeia Tudea»
(«Pompée la Juive»). Lire la suite



  • Les idéologies meurtrières sont aux portes des démocraties – Par David Bensousson

Pour l’armée israélienne, les capacités du Hamas étaient connues. Mais tout était perçu comme une question du choix du moment. 18 000 Gazaouis travaillent chaque jour en Israël ; il était prévu d’augmenter ce nombre à 120 000 et rien ne laissait supposer une attaque imminente. Israël subissait des attaques terroristes et des attaques de missiles qu’il « gérait. »

De fait, depuis la fondation de l’État, chaque kibboutz ou localité en Israël avait sa garde civile et les villes étaient quadrillées pour coordonner les actions de la garde civile des différents secteurs. Après la guerre des Six Jours, cette garde fut totalement désarmée et la sécurité confiée à l’armée : l’État d’Israël aspirait à être une société civile « normale ».

La mauvaise lecture de la situation sécuritaire a, tout comme la guerre de Kippour en 1973, causé des pertes humaines et matérielles importantes qui auraient pu être évitées. Les responsables de l’armée et du renseignement qui ont fait confiance aux capteurs électroniques pour gérer la sécurité de la frontière gazaouie ont été pris de court lorsque ceux-ci furent ciblés en premier… Lire la suite

  • Les Juifs de l’industrie touristique marocaine sont ébranlés par l’hostilité anti-juive

Ce n’est pas le Maroc que nous avons connu », déclare Kobi Ifrah, co-fondateur de Kulna, une organisation à but non lucratif qui vise à préserver et promouvoir l’héritage juif marocain. Ifrah a quitté Dimona pour Marrakech il y a 10 ans. Mais il est ébranlé par la haine féroce anti-juive qui est apparue après le massacre du Hamas du 7 octobre, rapporte JNS :

Des centaines de milliers de Juifs ont exploré le Maroc au cours de l’année écoulée, a déclaré Ifrah, mais ils ont cessé d’y venir à la suite du massacre du Hamas en Israël le 7 octobre.

« De nombreux Israéliens d’origine juive considéraient le Maroc comme leur deuxième patrie. Depuis que la guerre a éclaté, nous voyons ici dans les manifestations l’expression de la haine envers les Juifs, envers les Israéliens et le soutien au Hamas. Nous nous attendions à un minimum de solidarité et nous ne l’avons pas obtenu », a déclaré Ifrah.

« Le Maroc était autrefois un endroit où chacun pouvait se sentir chez lui, peu importe qui il était, d’où il venait et en quoi il croyait. Cela rendait le Maroc unique. Si les Juifs et les Israéliens ne sont plus les bienvenus, personne ne sera en sécurité », a-t-il ajouté.

Des dizaines de milliers de Marocains sont descendus dans la rue après le 1er octobre. Le 7 septembre, de nombreuses personnes scandaient des slogans antisémites et brandissaient des pancartes sur lesquelles étaient écrits des phrases telles que « A bas le sionisme » et « La Palestine, c’est le Hamas ». Lire la suite

  • Maher : « Personne n’en sait plus que les Juifs sur le fait d’être expulsé »

Bill Maher s’en prend aux affirmations pro-palestiniennes de « nettoyage ethnique ». 

Alors qu’un sondage choquant révèle que la plupart des jeunes Américains pensent qu’Israël devrait cesser d’exister et être livré au  Hamas , le groupe militant qui contrôle Gaza, la personnalité de la télévision Bill Maher a pesé dans le débat. (Avec remerciements : Isaac, Edna)

Cette vidéo « Nouvelle règle : du fleuve à la mer » tente d’injecter un peu de réalisme dans la manière dont le conflit est abordé. Maher dit qu’il était injuste pour les Palestiniens arabes d’avoir perdu leurs maisons en 1948. Mais beaucoup d’autres ont également été des réfugiés au XXe siècle – des Allemands, des Grecs, des Turcs, des Africains, des Syriens – et des Juifs.

À 2 : 19, Maher dit : « personne n’en sait plus que les Juifs sur le fait d’avoir été expulsés de leur terre, y compris le fait d’avoir été presque entièrement expulsés de tous les pays arabes dans lesquels ils vivaient autrefois ». Lire la suite

  • Les conséquences de la défaite des forces de l’Axe sur les juifs italiens en Tunisie – Par Hervé Kabla

Spécialiste de l’histoire des juifs italiens en Tunisie, Martino Oppizzi intervient lors de la table-ronde de la SHJT du 10 décembre 2023, sur le destin des juifs italiens en Tunisie.

Les faits

Depuis 1943, les autorités françaises procèdent à une sorte d’épuration politique contre la communauté italienne en Tunisie. Les italiens en Tunisie représentaient une population de plusieurs dizaines de milliers d’individus, considérés comme une sorte de « 5e colonne » locale. En juin 1943, on procède au recensement de leurs biens. En octobre 1943, 14000 italiens sont inscrits sur la liste du STO.

L’action des autorités françaises va être de démanteler la colonie italienne, et notamment de réduire l’influence de ses cadres. Or les juifs italiens, les juifs Livournais, représentent une très forte proportion de ces cadres : près de la moitie des médecins ou des avocats.

Martino Oppizzi a pu analyser près de 90 dossiers de juifs italiens au CADN. 23 mentionnaient un internement, pour quelques semaines (Arturo Attias) et jusqu’à deux ans (Enrico Boccara). Les modalités d’internement sont souvent arbitraires. Les juifs italiens sont internés avec les autres fascistes, ce qui produit des situations paradoxales, où les juifs ont le sentiment d’être internés avec leurs propres bourreaux. Deux juifs italiens, par exemple, ont été tabassés les autres prisonniers, car ils ont refusé de participer à des chants fascistes.

6000 décrets d’expulsion sont édités contre des ressortissants italiens, dont 4% sont des juifs italiens, avec une présence importante parmi les avocats, les industriels, les agents d’assurance et les agents d’affaires. L’expulsion concernait des hommes, d’un âge moyen de 42 ans, installés à Tunis : c’est principalement la bourgeoisie de la capitale qui est alors frappée. Lire la suite

  • Comment un Ashkénaze a persuadé les Juifs yéménites de s’installer en Israël

Plus de 1 500 Juifs ont fait leur aliya depuis le Yémen au début du XXe siècle grâce aux efforts d’un seul homme : Shmuel Yavnieli. Yavnieli était un sioniste ashkénaze qui s’est réinventé en tant que juif yéménite – et s’est présenté comme le précurseur du Messie – pour gagner en crédibilité auprès de la communauté. (Notez que les riches Juifs cités dans l’article vivaient très probablement dans la colonie britannique d’Aden). Histoire fascinante de Mia Amran dans The Librarians : (avec remerciements : Michelle)

La situation insupportable des Juifs du Yémen a finalement conduit à l’Opération Tapis Magique en 1949 : une opération clandestine visant à transporter par avion les Juifs yéménites hors de danger et à les amener en Israël. Cette mission secrète a été largement considérée comme un succès et, une fois achevée, plus de 50 000 Juifs yéménites ont été réinstallés dans le nouvel État juif.

Mais ce que beaucoup de gens ne savent pas, c’est que ce n’était pas la première fois qu’une émigration massive du Yémen vers la Terre d’Israël avait lieu, bien qu’elle soit la plus importante. La vague d’ Aliya  yéménite  qui a eu lieu quelques décennies plus tôt est en fait une histoire largement méconnue…

Lorsque l’Organisation sioniste a été fondée en 1897, elle a entrepris presque immédiatement d’augmenter le taux d’immigration mondiale vers la Terre d’Israël, qui faisait alors encore partie de l’Empire ottoman. Cependant, malgré tous leurs efforts, il existait un groupe de Juifs qui semblait intouchable : les Yéménites riches et puissants. Les Juifs yéménites, souvent bijoutiers, marchands de métaux précieux et marchands de café de leur métier, étaient extrêmement aisés. Même si, bien entendu, tous les Juifs yéménites n’étaient pas riches, il semblait que la communauté disposait des ressources économiques nécessaires pour prospérer dans le paysage du Moyen-Orient. Les Juifs yéménites avaient tendance à être religieux et souvent très mystiques, valorisant leurs connaissances kabbalistiques, leurs croyances messianiques, leurs codes vestimentaires modestes et leur nature pieuse. On savait également qu’une grande partie de la richesse accumulée par la communauté était dépensée dans la poursuite judaïque. Par exemple, dans la ville de Sanaa, où résidaient environ 7 000 Juifs, pas moins de 28 synagogues ont été construites par les Juifs de la ville. Lire la suite

  • David Abiker, l’éclectique de la matinale de Radio Classique

PORTRAIT - Passé par le monde l’entreprise avant de devenir journaliste à part entière il y a vingt ans, ce mélomane touche-à-tout, hypocondriaque et angoissé, anime avec talent la matinale de Radio Classique depuis la rentrée.

Il avait proposé que l’on déjeune à la campagne, où il se rend tous les week-ends, près de Gambais. Ou que l’on aille promener son chien, Obiwan (un Cavalier King Charles), en forêt: «C’est bien pour discuter.» Finalement, rendez-vous a été pris dans un restaurant chic du 16e arrondissement, où le fond sonore musical envahissant et guère assorti à la majesté bourgeoise des lieux, l’a fait quelque peu fait tiquer…

D’autres que lui auraient probablement choisi un lieu plus «branché». Où l’on peut être vu, et voir aussi la faune parisienne. Mais David Abiker, qui anime, depuis la rentrée de septembre, la matinale de Radio Classique (Groupe Les Échos-Le Parisien, filiale média du groupe LVMH) est un journaliste différent. Qui, depuis plus de vingt ans qu’il est apparu dans les médias, après avoir travaillé dans le monde de
l’entreprise (dans le conseil, les relations humaines et la communication), joue une partition singulière, avec des gammes très personnelles. Lire la suite

  • Martine et Prosper Assouline, marque-pages

Évidemment, quand on est éditeur, le storytelling est un art que l’on est supposé maîtriser. Chez les Assouline, c’est peu dire qu’on sait y faire. Si les 1800 ouvrages, dont le tirage oscille entre 100 et 85 000 exemplaires, publiés en bientôt trente ans, témoignent, chacun à leur manière, de leur capacité à écrire des histoires en mots et en images, ils sont les mieux placés pour raconter leur propre légende. Assouline, c’est une marque, imprimée sur des beaux livres à l’éclectisme de bon goût, « coffee table books » élégants et intelligents que l’on retrouve dans les bibliothèques des vieilles maisons du monde entier comme sur les tables basses des jeunes princesses des réseaux sociaux. Mais c’est surtout une affaire de famille. Les voici donc, tous les trois – le père Prosper, la mère Martine et le fils Alexandre –, la Trinité qui règne sur Assouline, réunis dans une salle de réunion de New York, où ils vivent et travaillent depuis une dizaine d’années Lire la suite

  • Exil des juifs de Cyrenaïque vers les steppes presahariennes – Par Didier Nebot

Les survivants juifs et libyens (les Romains ne faisaient aucune différence) prirent donc le chemin de l’exil. Selon Ibn Khaldoun, Carette (Exploration scientifique et migrations des tribus de l’Aurès), Mercier (Histoire de l’Afrique septentrionale) et Lartigues (Monographie de l’Aurès), on sait qu’il s’agit des Louata ou Laouta et des Aourir’i. Ces derniers donnèrent naissance plus tard à la tribu des Aoureba – ou Ouareba, ou Aureba, l’orthographe variant selon les auteurs –, qui se singularisa dans sa lutte contre les Arabes.

Comme il leur était interdit de s’approcher des villes et des zones contrôlées par Rome, ils se réfugièrent dans des régions semi-désertiques, toutes proches du Sahara, et passèrent nécessairement par la trouée qui existe entre le djebel Demmer, en Tripolitaine, et l’Aurès, en Numidie, seul chemin possible et qui à cette époque n’était pas encore sous contrôle romain. Cependant certains durent s’arrêter dans le djebel Nefouça, en Tripolitaine, où subsistent d’importantes traces de plusieurs communautés juives. (Elles ont été répertoriées au xixe siècle par Slouschz, dans un voyage d’études, nous en reparlerons un peu plus loin.) La plupart des autres errèrent au gré des circonstances, loin de l’Empire, dans des conditions difficiles.

Un passage du Midrash parle de la pénétration des juifs dans ces régions : « Certains d’entre les juifs sont exilés jusqu’à la Berbérie, certains autres jusqu’en Mauritanie ». Lire la suite

Evénements en cours ou à venir

  • Bendichas Manos : 7e Journée annuelle des Ladino à New YorkÉVÉNEMENT — CÉLÉBRATION, MUSIQUE – Dimanche 21 janvier à 14h00

La Fédération séfarade américaine, la Fraternité juive séfarade d’Amérique, la Fondation séfarade sur le vieillissement et la Fondation Shearith Israel League  sont fières de présenter : Bendichas Manos : 7e Journée annuelle des Ladino à New York

Organisé par Jane Mushabac et Bryan Kirschen

Avec:

Le rabbin Marc Angel , auteur et éditeur de 38 livres, et lauréat du Gala international séfarade 2023 pour ses décennies de leadership communautaire remarquable.

Rachel Amado Bortnick ,  enseignante et fondatrice du célèbre groupe en ligne Ladinokomunita, qui en est maintenant à sa 25 e année et compte 1 500 membres parlant ladino dans le monde entier. 

Elizabeth Graver,  auteur du roman sépharade révolutionnaire Kantika de 2023, et longtemps célébrée pour sa fiction primée.

Sarah Aroeste , auteure-compositrice-interprète, et  Susan Barocas , écrivaine culinaire/conteuse, un duo dont le programme « Savour » de chansons et de discussions sur la cuisine séfarade suscite des éloges ici et à l’étranger. Réservations

  • « L’enfant Didi », itinéraire d’une œuvre spoliée de Chana Orloff, 1921-2024 – Du 19 novembre 2023 au 29 septembre 2024

Le 26 janvier 2023, la sculpture de « L’enfant Didi », le fils de Chana Orloff, faisait son retour dans l’atelier de l’artiste, après une absence de près de 80 ans. Volée le 4 mars 1943 – avec l’ensemble du contenu de l’atelier-logement et cent-quarante autres sculptures –, l’œuvre est ensuite passée de main en main jusqu’à sa réapparition à New York en 2008 et sa restitution à la famille en 2022.

L’exposition-dossier revient sur la place de cette sculpture dans la trajectoire artistique de Chana Orloff. L’œuvre, créée en 1921 – onze ans après son installation à Paris –, est représentative de la production de Chana Orloff dans l’entre-deux-guerres ; c’est aussi une illustration de l’amour maternel avec une des plus belles représentations d’Élie, surnommé Didi, son fils unique né à Paris en 1918.

L’exposition permet également, à partir de cet exemple précis, de rappeler la réalité du pillage des ateliers d’artistes pendant l’Occupation, et de présenter les démarches entreprises par l’artiste et les membres de sa famille sur trois générations. Billetterie

  • Joann Sfar. La vie dessinée – Visite guidée

Autour de l’exposition « Joann Sfar. La vie dessinée »

par Clémentine Deroudille, Thomas Ragon, commissaires de l’exposition, ou Elisa Boularand, Cécile Petitet, Orlie Taieb, conférencières du mahJ

Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme présente la première rétrospective en France consacrée à Joann Sfar. Avec près de 250 planches et dessins, pour la plupart jamais montrés, mais aussi des carnets, des photographies et des films, l’exposition retrace le parcours d’un artiste exceptionnel dont la créativité se déploie depuis plus de trente ans dans la bande dessinée, le cinéma et la littérature. Billetterie

Nouvelles lectures

  • Sépharade d’Éliette Abécassis

Peut-on échapper au destin qu’on choisit pour vous ? se demande Esther Vital. Juive marocaine née à Strasbourg, écrasée par le poids de la tradition, mais aussi déchirée par la nostalgie des paradis perdus – l’Espagne de Cordoue à Tolède, le Maroc, de Mogador à Fès –, Esther choisit elle-même son futur époux, Charles, malgré l’opposition de sa famille. Mais, la veille de son mariage, vêtue de la robe pourpre des promises sépharades, elle découvre de terribles secrets dont elle risque d’être l’innocente victime… À travers cette quête des origines, Eliette Abécassis explore avec érudition l’histoire des juifs marocains, de l’Inquisition à nos jours. Voici le grand roman du monde sépharade.

Édition : Albin Michel, 480 pages Lire la suite

  • La statue de sel d’Albert Memmi

«Voici un écrivain français de Tunisie qui n’est ni français ni tunisien… Il est juif (de mère berbère, ce qui ne simplifie rien) et sujet tunisien… Cependant, il n’est pas réellement tunisien, le premier pogromme où les Arabes massacrent les juifs le lui démontre. Sa culture est française… Cependant, la France de Vichy le livre aux Allemands, et la France libre, le jour où il veut se battre pour elle, lui demande de changer la consonance judaïque de son nom. Il ne lui resterait plus que d’être vraiment juif si, pour l’être, il ne fallait partager une foi qu’il n’a pas et des traditions qui lui paraissent ridicules.
Que sera-t-il donc pour finir ? On serait tenté de dire un écrivain.» Albert Camus. Lire la suite

Édition : GALLIMARD, 296 pages

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