Révolte des juifs de Cyrénaïque

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Par Didier Nebot

En 115 eut lieu le conflit le plus sanglant que connut cette région. De nombreux auteurs de l’Antiquité en ont parlé. Il s’agit de Dion Cassius (contemporain de Septime Sévère), d’Eusèbe (histoire ecclésiastique), de Barhebraeus (chronique), de Spartien, d’Hadrien. Voir aussi le Talmud de Babylone (soucca, midrasch threni, guittin).Tout semble avoir commencé à Rome où Plotine, l’épouse de l’empereur Trajan, perdit l’enfant qu’elle venait de mettre au monde. Elle accusa un groupe de Judéens de passage à Rome de lui avoir jeté un mauvais sort et supplia son époux de les châtier. Ce dernier l’écouta, et fit jeter les malheureux aux lions malgré leurs protestations d’innocence.

La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre aux quatre coins du monde, mettant en émoi toutes les communautés juives de l’Empire romain. Ivres de colère, elles réagirent brutalement en Judée, en Babylonie, en Égypte et à Chypre, sans conséquences majeures. Mais il en alla tout autrement en Cyrénaïque, car la région, en perpétuelle effervescence, n’attendait qu’un prétexte pour se soulever. Les juifs, aidés des autochtones libyens, prirent les armes contre les Romains. Devant la violence de ces attaques, ces derniers ne purent tenir et leur chef, Lupus, battit en retraite avec son armée jusqu’en Égypte, abandonnant le terrain aux juifs galvanisés par la victoire. Ceux-ci nommèrent un chef, dénommé Lucuas.

Après la débâcle, le général romain Lupus rejoignit Alexandrie avec sa garnison et là, avec l’aide des Grecs et quelques troupes restées fidèles à l’Empire, il exécuta de nombreux Judéens. Les juifs de Cyrénaïque se vengèrent à leur tour sur leurs voisins grecs et en tuèrent plus de 200 000 avec cruauté (Chiffre donné par les sources anciennes peut-être exagéré).

Ses ennemis de l’intérieur éliminés, l’armée hébraïque et ses alliés libyens marchèrent sur Alexandrie. Ils défirent les soldats de l’Empire, le procurateur Appuys ne devant son salut qu’en fuyant d’extrême justesse sur un navire.

Les juifs tinrent donc la Cyrénaïque, l’Égypte et Chypre pendant trois ans (115-118). On ne sait que fort peu de chose de cette période. Se montrèrent-ils incapables de gérer leurs victoires ? N’avaient-ils pas présumé de leurs forces ? L’Empire chargea Marcius Turbo, un prince maure à la solde de Rome, de reconquérir le pays. Il n’attaqua pas de front, préférant agir méthodiquement et sans se hâter. Les troupes mises à sa disposition étaient imposantes. Il reprit d’abord l’Égypte, puis Chypre, et ensuite seulement s’attaqua à la Cyrénaïque. La répression fut atroce. Les rebelles furent tués ou chassés sans pitié. Il y eut des dizaines de milliers de morts. Pour empêcher les fugitifs de revenir, le pays fut entièrement ravagé et transformé en véritable désert, ce qui rendit toute vie impossible pendant des décennies. Dans le voyage d’étude qu’il fit dans cette région au XIXème siècle, Slouschz parle des vestiges de vieilles synagogues datant vraisemblablement de cette époque. Étaient touchés non seulement les juifs, mais aussi les autochtones. Un passage du Talmud de Babylone (Sanhédrin 94a) indique que, sous Trajan, les rebelles judéens chassés de Cyrénaïque côtoyaient l’Égypte, les berbis (Berbères) et la Libye.

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